La capacité juridique
La capacité juridique
ETRE MINEUR
En Belgique, on est considéré comme mineur jusqu'à l'âge de 18 ans (sauf en cas d'émancipation). Ainsi, durant les 18 premières années de la vie, on a le statut de mineur d'âge.
En principe, étant mineur, on est considéré comme « incapable » juridiquement. La capacité juridique est divisée en capacité de jouissance (ex : être propriétaire d'une maison) et d'exercice (ex : vendre la maison). Le mineur peut exercer sa capacité de jouissance, mais pas celle d'exercice.
Toutefois, dans certaines situations, le mineur va pouvoir exercer sa capacité d'exercice en fonction de son âge, lorsqu'on estimera qu'il a atteint l'âge de discernement. Cela signifie qu'il est en mesure de comprendre les conséquences de ses actions.
L'âge de discernement
L'âge de discernement n'est pas fixé par la loi. Selon les enfants, il peut varier entre 7 et 12 ans. On considère en général qu'il se situe autour de 12 ans.
Ainsi en ce qui concerne les procédures devant le Tribunal de la famille et de la jeunesse, le juge est obligé d'entendre le mineur à partir de ses 12 ans lorsqu'il doit prendre une décision le concernant. Si le mineur de moins de 12 ans peut solliciter d'être entendu (le juge peut refuser s'il estime qu'il n'a pas assez de discernement) ; à 12 ans il recevra un courrier officiel l'avertissant de son droit à être entendu. Il s'agit d'une possibilité qui lui est offerte, le mineur n'est pas obligé de s'exprimer s'il ne le souhaite pas.
Au niveau de la santé, la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient stipule que « Suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l'exercice de ses droits. Les droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts » (article 12).
Lorsqu'on estime que le mineur possède cette capacité de discernement, il peut donc poser certains actes par exemple en matière de soins de santé, en ce qui concerne ses biens et son argent, la signature d'un contrat d'occupation étudiant, la reconnaissance d'un enfant, etc.
Il pourra donc prendre certaines décisions le concernant et avoir certaines libertés dans les actes qu'il accomplira.
En grandissant, il accèdera à une capacité restreinte proportionnelle à son âge et sa maturité : c'est ce que le législateur nomme "être doué de discernement".
L'autorité parentale
Tant qu'on est mineur, nos parents exercent sur nous l'autorité parentale (articles 371 à 387ter du Code civil).
C'est l'ensemble des droits (compétences et pouvoirs accordés aux parents) et des devoirs que la loi reconnaît aux père et mère en ce qui concerne l'enfant lui-même, c'est à dire son éducation, sa protection, sa santé, l'exercice d'une surveillance au quotidien et la gestion et la jouissance de ses biens (son patrimoine, son argent, sa représentation juridique). Vos parents peuvent donc prendre des décisions qui vous concernent, sur différents plans : scolaire, philosophique, culturel, etc.
Cependant, ils ont aussi des devoirs envers vous quant à votre sécurité, santé et moralité.
Bien entendu, cette autorité parentale va évoluer de fait, en fonction de votre âge et de votre autonomie croissante.
Les parents ont un devoir d'éducation et de surveillance et peuvent vous interdire de voir tel ou tel copain parce qu'ils estiment qu'il y a un risque à le fréquenter. Ils ne peuvent évidemment prendre de décisions tyranniques mais doivent trouver un équilibre entre vos envies et ce qu'ils estiment être dans votre intérêt.
La mère et le père exercent, conjointement, l'autorité parentale, qu'ils vivent ensemble ou pas.
La tutelle
Par ailleurs, le système de tutelle des enfants mineurs (articles 389 à 420 du Code civil) existe pour remplacer l'autorité parentale dans des cas très précis :
- Les deux parents de l'enfant mineur sont décédés ;
- Il n'y a pas de filiation établie avec l'enfant mineur ;
- Les parents sont dans l'incapacité d'exercer l'autorité parentale (par exemple : la déchéance de l'autorité parentale) ;
- Les parents sont dans l'incapacité d'exprimer leur volonté (par exemple : en cas de maladie grave).
Le tuteur est désigné soit par testament des parents soit c'est le juge de paix du domicile de l'enfant qui le désignera. Si l'enfant a 12 ans ou plus, le juge l'entendra avant de prendre sa décision.
Le tuteur prendra soin de l'enfant, l'éduquera et gèrera en bon gestionnaire ses biens.
Il représentera le mineur pour certains actes de la vie civile mais pour certains d'entre eux, il devra demander une autorisation spéciale au Juge de paix (donner ou vendre, emprunter, hypothéquer ou donner en gage les biens du mineur, consentir un bail à ferme, un bail commercial ou un bail à loyer de plus de 9 ans ainsi que pour renouveler un bail commercial, renoncer à une succession ou l'accepter, représenter le mineur en justice comme demandeur dans certaines procédures et actes, conclure un pacte d'indivision, acheter un immeuble, continuer un commerce, donner ou vendre des souvenirs et autres objets à caractère personnel).
La capacité : Ai-je le droit d'agir seul en tant que mineur ?
Tu casses accidentellement un vase d'une grande valeur chez des amis, vas-tu devoir les rembourser ? As-tu le droit de conclure un contrat de travail d'étudiant ? As-tu le droit d'ouvrir un compte bancaire ?
Tu te poses ces questions ? Il t'arrive de te demander si tu es aussi capable juridiquement qu'un adulte d'accomplir certains actes ? Cette fiche va t'aider à y voir plus clair.
Qu'est-ce que la capacité juridique ?
La capacité juridique est la possibilité que tu as d'exercer seul tes droits, d'accomplir des actes juridiques et d'assumer les obligations qui en découlent.
Exercer un droit, c'est effectuer les actes juridiques nécessaires pour faire vivre ce droit ou le protéger.
Par exemple, dès tes 15 ans, tu as le droit de travailler ; gagner de l'argent en travaillant pendant les vacances ; exercer ce droit en signant seul/ un contrat ; exécuter le travail et percevoir toi-même directement le salaire.
Quand peux-tu agir seul ?
Lors de ta majorité : tu as 18 ans et plus
En principe, tu es pleinement capable d'exercer seul l'ensemble de tes droits et obligations. Tu n'as besoin de l'autorisation de personne pour agir et tu assumes seul les conséquences de tes actes sauf dans certains cas exceptionnels.
Lors de ta minorité : tu as moins de 18 ans
En tant que mineur, tu ne disposes pas de la capacité juridique et tu es donc représenté dans l'exercice de tes droits et obligations. La logique derrière cette incapacité juridique est de protéger le jeune contre son inexpérience, afin d'éviter qu'il ne pose des actes contraires à son intérêt.
Remarque : Dans des cas exceptionnels et rares, à partir de tes 15 ans, tu peux être émancipé par un ou une juge. L'émancipation signifie que le ou la juge t'accorde la capacité juridique malgré le fait que tu sois mineur. Ceci est un régime exceptionnel. Si tu te poses des questions sur ce régime, n'hésites pas à te rendre sur notre fiche dédiée à ce sujet.
Dans la majorité des cas, ce sont tes parents qui te représentent dans tous les actes juridiques nécessaires à l'exercice de tes droits ou de tes obligations. En tant que représentants légaux, tes parents agissent en ton nom et à ta place. Ils n'ont pas besoin de ton accord ; ce pouvoir découle de l'autorité parentale qu'ils exercent sur toi. Néanmoins, en fonction de ton âge, ils t'associeront de plus en plus à la prise de décision.
Si un de tes parents décède, ton autre parent exerce seul l'autorité parentale à ton égard. Si tu as perdu tes deux parents, un tuteur ou une tutrice est désignée par le ou la juge de paix. C'est ce tuteur ou cette tutrice qui te représentera juridiquement.
Si tes parents ou ton tuteur/ta tutrice refusent ou s'abstiennent de poser un acte juridique indispensable ou s'il y a conflit d'intérêt, tu peux demander à un ou une juge la désignation d'un tuteur ou d'une tutrice ad hoc chargée de te représenter pour cet acte bien précis.
Existe-t-il des exceptions à ce système de « représentation légale »?
Oui, il existe plusieurs situations où le mineur est reconnu capable juridiquement, à mesure qu'il grandit et/ou qu'il gagne en maturité.
Concernant ta personne :
Indépendamment de ton âge, il est important, en fonction de ta maturité, de rechercher un équilibre entre les droits et les obligations de chacun (le secret de ton courrier, de tes mails, de tes sms, liberté de choix philosophiques et sexuels, etc.)
Lorsqu'il est considéré que tu es doué de discernement, c'est-à-dire que tu es jugé capable de distinguer les actes autorisés de ceux interdits, tu peux commencer à exercer certains droits, mais aussi à être tenu responsable pour certains actes.
A l'âge du discernement, âge qui s'apprécie au cas par cas et varie généralement entre l'âge de 7 et 12 ans :
- Tu as le droit d'être entendu pour donner ton avis, sans décider pour autant, dans toutes les procédures judiciaires et administratives qui te concernent (autorité parentale, hébergement, droit aux relations personnelles, droit de garde, droit de visite, …). À l'âge de 12 ans, tu reçois un courrier pour t'avertir de ce droit, mais tu peux déjà l'exercer avant. Tu as le droit de refuser d'être entendu. Si tu veux être entendu ou que le Ministère public le demande, le ou la juge ne peut pas s'opposer à recueillir ton avis. Le ou la juge peut refuser d'entendre le mineur de moins de 12 ans s'estime que tu n'es pas suffisamment apte à réfléchir et à comprendre la situation ou si la demande est faite par quelqu'un d'autre que le mineur ou le Ministère Public. Dans ce cas, le juge doit alors expliquer la raison de son refus.
- Tu as le droit de donner ton consentement à tout traitement médical ou d'être associé à la prise de décision concernant ton traitement.
- La personne mineure transgenre dont l'expression de genre et/ou l'identité de genre s'écarte des attentes traditionnelles reposant sur le sexe assigné à sa naissance peut déclarer qu'elle a la conviction de ne pas appartenir au sexe mentionné dans le registre de l'état civil. Elle peut ainsi faire une déclaration de sa conviction avec l'assistance de sa mère, de son père ou de tout autre représentant légal.
A partir de 12 ans :
- Tu dois donner ton accord pour que la filiation soit établie à l'égard de l'un de tes parents si ce n'est pas encore le cas.
- Tu dois donner ton accord pour ton adoption. Quand une mesure d'aide individuelle est envisagée devant le Service d'Aide à la Jeunesse (SAJ), tu dois marquer ton accord par écrit, à condition que tu sois accompagné, accompagnée par un avocat ou une avocate.
- Si tu as la capacité de discernement, tu peux consentir, à certaines conditions, à ce que l'on prélève tes organes de ton vivant.
A partir de 14 ans :
- Quand une mesure d'aide individuelle est envisagée devant le Service d'Aide à la Jeunesse (SAJ), tu dois marquer ton accord par écrit.
A partir de 15 ans :
- Ton consentement personnel est requis pour ton adoption.
Attention, si tu es mineur et que tu quittes pour la première fois la résidence parentale pour fixer ailleurs ta résidence principale, tu dois être assisté, assistée dans ta déclaration par l'une des personnes qui exercent l'autorité sur toi.
Avec l'accord de tes parents ou de ton tuteur / ta tutrice, tu peux quitter ton domicile principal pour établir ton nouveau domicile ailleurs. Pour cela, il te faudra une déclaration de leur part. En tant que mineur, tu peux tout à fait te domicilier seul à une adresse.
Concernant tes biens :
A partir de 15 ans :
- Tu peux conclure un contrat de travail. Si tes parents s'y opposent tu pourras demander une autorisation au juge de la jeunesse.
- Tu peux percevoir seul le paiement de ton salaire. Tes parents peuvent s'y opposer. Dans ce cas, tu peux demander une autorisation au juge de la jeunesse.
- Tu peux aussi ouvrir seul un compte bancaire (compte courant ou compte d'épargne). La loi ne prévoit pas la nécessité d'obtenir l'accord de tes parents. Néanmoins, à l'heure actuelle, il faut souligner que la majorité des banques exigent encore la signature d'un représentant légal, une représentante légale au moment de l'ouverture du compte.
A partir de 16 ans :
- Tu peux disposer de la moitié des biens dont la loi permet au majeur, majeure de disposer par testament.
- Les allocations familiales peuvent t'être directement versées si tu es domicilié, domiciliée à une autre adresse que celle de tes parents.
- Tu peux retirer seul, seule un montant de 125 euros par mois sur ton compte épargne, si et seulement si ton représentant légal, ta représentante légale ne s'y est pas opposé. En pratique, c'est plus compliqué. En effet, le représentant légal, la représentante légale devra autoriser, le plus souvent, l'ouverture du compte de dépôt et/ou d'épargne.
Un représentant légal peut-il tout faire ?
Tes parents (ou ton tuteur, ta tutrice) doivent tout d'abord gérer tes biens de manière prudente, diligente et soigneuse. Ils veillent à conserver ton patrimoine intact. Ils doivent poser tous les actes juridiques utiles et nécessaires en vue de la préservation de tes droits.
Ensuite, lorsque tes parents ou tuteur, tutrice veulent poser des actes qui présentent un risque par rapport au maintien de ton patrimoine, ils doivent en demander l'autorisation spéciale au juge de paix (par exemple : vendre des biens qui t'appartiennent, accepter pour toi une succession…). En cas de vente d'un bien, l'argent reçu doit être placé sur un compte ouvert à ton nom. L'argent t'appartient. Il pourrait toutefois être utilisé par tes parents ou ton tuteur, ta tutrice mais uniquement dans ton intérêt.
Enfin, ils disposent d'un droit de jouissance de tes biens. Cela signifie qu'ils peuvent bénéficier des fruits de ton patrimoine. Il existe toutefois des exceptions à cette règle : les revenus de ton travail, les biens qui te sont légués. En effet, dans ces cas de figure, tes parents n'en jouissent pas et ils sont considérés comme « indignes envers toi » (décision du juge).
Que se passe-t-il en cas de non-respect des règles relatives à la capacité ?
Avant tes 18 ans
Tu as posé un acte avant tes 18 ans sans être représenté, représentée par tes parents ou ton tuteur, ta tutrice
- Tu es conscient / consciente des enjeux de cet acte, c'est-à-dire que tu es doué / douée de discernement :
L'acte est alors valable sauf s'il te cause un préjudice. S'il te cause un préjudice, l'acte est annulable. Cette annulation doit être demandée au juge du tribunal de la famille lorsque tu deviens majeur, majeure ou par l'un de tes représentants légaux.
- Tu n'es pas doué / douée de discernement :
L'acte est alors annulé directement. Le ou la juge du tribunal de la famille prononce la nullité absolue de l'acte à la demande de tout intéressé, intéressée lorsque tu n'avais pas le discernement ou que l'acte que tu as posé était un acte que le représentant légal, la représentante légale aurait lui-même, elle-même du accomplir avec l'accord du juge de paix.
Actes posés par tes parents ou ton tuteur sans respecter les règles
Si tu le souhaites, une fois majeur tu peux demander à tes anciens représentants légaux des explications (on appelle ça rendre des comptes sur la bonne gestion du patrimoine) devant un ou une juge du tribunal de la famille.
Le tuteur ou la tutrice lorsqu'il / elle est désignée, a l'obligation de rendre des comptes et donner des explications au juge de paix sur, d'une part, sa gestion que, d'autre part, se décharger de sa mission. Ces missions lui sont obligatoires jusqu'à la majorité du ou de la jeune.
En cas de faute lourde de tes représentants légaux, une indemnisation pourrait leur être demandée.
Les actes pour lesquels le représentant légal ou la représentante légale doit obtenir une autorisation spéciale du juge de paix (vente de bien, prêt, acceptation d'un héritage, introduction une demande en justice …) seront sanctionnés par une annulation pure et simple (nullité absolue) si cette autorisation préalable n'a pas été obtenue.